l'immobilier
au Portugal
Faut-il
investir aujourd'hui,
dans l'immobilier au
Portugal ? Oui ? Non
? Faut-il attendre ?
Questions réponses :
Interview de Mario Pontifice
***
Anne Loureiro
Provins : - Bonjour
M. Mario Pontifice.
Vous êtes le responsable
de Portugalmania.com,
et nous vous remercions
pour avoir accepté de
répondre à nos questions.
M.P.
- Je vais essayer d'y
répondre clairement
et sans détours. :)
A.L.
Etes-vous un spécialiste
de l'immobilier au Portugal
?
M.P.
- Je n'évolue pas dans
ce domaine spécifique.
Je pourrais plutôt être
qualifié d'assez bon "spécialiste
du Portugal" dans
son ensemble, tant par
le fait de ma totale
imbrication avec le
pays, que de par ma
connaissance du Portugal
en général, mais aussi
par la multitude de
conseils que j'ai été
amené à fournir jusqu'ici
à des milliers, voire
des dizaines de milliers
de personnes, depuis
que Portugalmania existe.
Je
ne suis donc pas un
spécialiste spécifique
de l'immobilier portugais,
mais je me maintiens
cependant très proche
de tous les aspects
qui lui sont liés, entre
autres. A travers le
site Portugalmania on
me consulte d'ailleurs
souvent à titre de conseil,
que ce soit pour une
aide pratique, logistique,
ou pour donner un avis
concernant des achats
immobiliers - entre
autres - au Portugal.
Et à chaque fois je
tente autant que possible
d'y répondre avec franchise
et sans détours.
A.L
- Qu'en est-il du marché
immobilier au Portugal
?
M.P.
- Il faut déjà savoir
que le marché immobilier
portugais n'a pas connu
de bulle immobilière,
comme ça s'est passé
par exemple, en Espagne.
C'est un marché plutôt régulé
dans son ensemble, avec
cependant d'inévitables
disparités suivant les
régions, ou les types
de produits. Cela n'a
pas empêché certains
envolées de prix les
10 dernières années,
que ce soit par secteurs
géographiques ou par
types de biens, de façon
là aussi sectorisée.
Mais
le marché immobilier
au Portugal connaît
évidemment la crise,
non pour avoir été un
facteur provocateur
de celle-ci, mais pour
devoir la subir. Il
convient cependant de
préciser que tout ne
va pas pour le mieux
dans ce secteur, et
ce, même avant la crise.
En fait ce marché est
en pleine tentative
de réajustement à tous
points de vue (prix,
adéquation offre/demande,
rentabilité nette, aspects
locatifs etc.)
Du
fait de ce besoin d'éclaircissement
dans un secteur économique
important, dans lequel
les composantes sociale
et sociologique entrent
en ligne de compte,
l'inventivité est de
mise.
Ainsi,
au niveau de l'achat,
on assiste à l'éclosion
de nouvelles formules
de financement, qui
dépassent le cadre restreint
du crédit classique,
pour se voir proposer
d'autres alternatives
de type investissement
payé par la location,
ou encore des formules
de location-achat comme
cela a existé en France
à une certaine époque.
Sur
le plan locatif, de
grands chamboulements
sont en cours sur le
plan législatif, notamment
pour tout ce qui est
relatif aux contrats
de locations anciens.
C'est un grand chantier
qui doit prendre en
compte les intérêts
des locataires autant
que des propriétaires.
Ceci ne concerne cependant
pas ou peu les investissements
immobiliers actuels
non occupés, dont le
prix des loyers est
encadré par les lois
récentes.
A.L.
- Les gens, tels les
émigrés portugais actuellement
propriétaires d'un bien
qu'ils louent, doivent-ils
entreprendre des démarches
?
M.P.
- C'est un point particulier
qui dépasse le cadre
de l'investissement
immobilier actuel. Ca
ne concerne que les
personnes déjà propriétaires,
qui ont loué leur
bien dans le cadre de
l'ancienne loi, et qui
doivent donc prendre
en compte la nouvelle
législation régissant
la location. Mais pas
tous ceux qui désirent
investir actuellement.
Si vous voulez bien,
nous reviendrons prochainement
sur cette loi.
A.L.
- Une chose qui est
frappante au Portugal,
c'est le nombre d'immeubles
en décrépitude. A quoi
cela est-il dû ?
M.P.
- C'est vrai que partout
au Portugal, on est
généralement frappé
par la vision d'immeubles
dans un état de délabrement
avancé. Cela tient à
différentes raisons.
-
D'abord, le Portugal
a toujours été un pays
d'émigration. Actuellement,
du fait des incidences
néfastes de son appartenance
à l'UE et à l'adoption
de l'euro, le phénomène
peut même être qualifié
d'exil. Puisqu'il oblige
des centaines de milliers
de portugais à fuir
la misère, comme
dans les années 60/70,
si ce n'est que le profil
des exilés a changé
et que désormais toutes
les régions sont touchées
par ce désastre causé
par l'UE et l'euro.
Hormis
ce gigantesque saccage
sociologique et cette véritable destruction
de la démographie portugaise
ainsi que du futur du Portugal
auquel on assiste
en Europe dans un silence
complice,
l'émigration portugaise, à des degrés
nettement moindres, a
toujours été une réalité.
Ceci a engendré un éparpillement
des portugais à travers
la planète, ce qui au
moment des héritages
ne facilite pas les
choses. Des processus
s'éternisent ainsi des
années pendant que l'on
recherche des héritiers
potentiels aux quatre
coins du monde.
-
Ensuite il y a le fait
que le Portugal soit
un pays où le niveau
de vie est peu élevé.
Ceci a des incidences
en cas d'héritage. Faut-il
vendre un bien immobilier
ou le restaurer pour
le louer ? Le manque
de moyens freine ou
stoppe beaucoup d'initiatives,
et les biens immobiliers
se délabrent ainsi
avec le temps, sans
que rien ne puisse être
fait.
-
On ne doit pas oublier
les différents
éventuels entre héritiers,
qui eux aussi sont souvent
un facteur tendant à
l'inaction, lorsque
les intérêts divergent.
-
Mais la plus importante
cause de la dégradation
de l'immobilier tient
surtout aux anciennes
lois (de type loi de
48 en France), qui au
Portugal concernent
plus de 500 mille locataires
et propriétaires. Le
prix des loyers n'a
pas évolué depuis des
décennies. Certains
locataires paient encore
10 ou 15 euros de loyer
par mois, ce qui place
les propriétaires dans
l'impossibilité d'effectuer
des travaux.
AL.
- Existe-t-il un
impôt foncier au Portugal
?
M.P.
- Oui, l'IMI, (Imposto
municipal sobre Imoveis).
Anciennement appelé
contribuição predial,
puis Contribuição Autárquica.
L'IMI est un impôt appliqué
à l'immobilier et aux
terrains
D'après
les statistiques nationales,
il se monte en Octobre
2012 à environ
245 euros / an en
moyenne pour un bien
immobilier urbain, en
tenant compte d'une
récente réévaluation
imposée par le gouvernement.
Les impôts ou taxes
liées au patrimoine
au Portugal se limitent
à l'IMI, le principal, auxquels
on peut ajouter en cas
de vente l'IMT - Imposto Municipal sobre as Transmissões Onerosas de Imóveis,
ainsi que le IS - Imposto do Selo.
A.L
- Au Portugal, l'immobilier
est-il un secteur
important de l'économie
?
M.P.
- Oui, le marché
immobilier portugais
est un secteur important
de l'économie et qui
au fond, avec des hauts
et des bas, ne
se porte pas si mal
malgré les apparences
et la morosité ambiante.
Ainsi,
si les récentes
données Eurostat pointent
une baisse de la croissance
du marché immobilier
portugais en comparaison
avec l'année antérieure
(2011), elles pointent
au contraire une
croissance mensuelle
du secteur productif
de l'ordre de 10,4%
entre Juillet et
Août 2012, soit la plus
grande croissance des
pays de l'UE, dont la
moyenne s'est située
à 0,7%.
Mais
là aussi il faut relativiser,
car on ne connaît à
l'heure actuelle pas
les conséquences qu'auront
les récentes mesures
prises par le gouvernement
portugais. Les changements
radicaux des échelons
des taux marginaux des
impôts sur les revenus,
ainsi que des augmentations
de toute sorte, parfois
d'un niveau stupéfiant, atteignant
de plein fouet les propriétaires
immobiliers, et le nouveau
seuil de taxation des
revenus locatifs à 28%,
risquent d'avoir des
effets surprenants,
en tout cas absolument
impossibles à évaluer
actuellement par quiconque.
Seul l'avenir dira ce
qu'il en est.
A.L. - Les étrangers investissent-ils
dans le marché immobilier
portugais ?
M.P.
- Ca a été le cas, mais
ça l'est de moins en
moins depuis 2007, année
où le record a d'ailleurs
été battu avec un investissement
annuel total de l'ordre de
1,75 Milliards d'euros. (Mil
sept cents cinquante
millions d'euros).
Ca peut sembler peu,
mais pour un pays de
faible dimension comme
le Portugal, c'est
important.
Depuis
cette date, l'investissement
étranger dans l'immobilier
portugais n'a fait
que dégringoler. Ainsi
d'après les données des
associations professionnelles
du secteur, en 2011
l'investissement s'est
limité à 350 Millions
d'euros, soit le niveau
le plus bas des 12
dernières années,
y compris donc des années
avant la "crise".
L'investissement
immobilier étranger annuel
au Portugal a donc baissé
de 80% depuis 2007.
A.L.
- On parle beaucoup
des banques. Qu'en est-il
au Portugal ?
M.P.
- Vis à vis de l'immobilier
qu'elles possèdent, il
va falloir qu'elles
fassent des options.
Et je dirais même des
options impératives
et obligatoires, car
cela va devenir urgent
pour beaucoup de banques.
On
considère qu'il y a
actuellement entre 350
et 450 mille biens
immobiliers en vente
sur le marché portugais.
Et ce nombre est en
augmentation. Même si
le Portugal est un des
pays d'Europe ayant
le plus grand pourcentage
de sa population qui
est déjà propriétaire,
ce chiffre ne serait
pas effrayant en soi,
si on ne tenait pas
compte de la réalité
économique du pays,
et du contexte morose
du secteur immobilier
parmi d'autres.
De
plus en plus de banques
doivent faire face à
des impayés et se retrouvent
avec de nombreux biens
immobiliers, littéralement
sur les bras.
Or
d'une part ce n'est
pas le rôle d'une banque
de vendre de l'immobilier
"acquis" de
cette façon, et d'autre
part les banques ont
bien d'autres chats
à fouetter actuellement,
plus importants
que la gestion d'une
sorte de patrimoine
immobilier découlant
de sur-endettements
de particuliers.
Il
faudra qu'elles
se débarrassent au plus
vite de ces
véritables boulets qui
contribuent à plomber
leurs comptes, déjà
largement pourris par
de sombres actifs.
Et encore, étant donné
que les banques peuvent
aisément édulcorer les
bilans, on imagine aisément que
la réalité est bien
en dessous de celle
qui est généralement
annoncée publiquement.
A.L.
- Vous voulez dire...
?
M.P.
- Je veux dire qu'il
n'est pas du tout impossible
qu'il y ait très bientôt
des affaires en Or à
réaliser au niveau de
l'immobilier au Portugal.
AL.
- Vous parlez de braderie
possible ?
M.P.
- Le terme "braderie"
est à relativiser. Mais
d'une certaine façon,
oui. Face à un marché
immobilier déséquilibré
faute de demande suffisante,
et surtout, j'insiste,
face au besoin quasi-impératif
que certains banques
auront de "liquider"
leurs biens immobiliers
assez vite pour "faire
le ménage" de leurs
comptes, il est en effet
fort possible qu'on
assiste dans un futur
proche à un bradage
des biens immobiliers
avec lesquels
les banques se sont retrouvées
sans le vouloir. Et
ceci pourrait évidemment jouer
sur les prix de l'immobilier
en général.
AL.
- Donc, vous préconisez
d'attendre avant d'acheter
?
M.P.
- Comme je vous le disais
au début, tout dépend
de vos intentions et
de votre profil.
Si
vous devez impérativement
procéder immédiatement
à un achat immobilier
pour des raisons qui
vous sont propres, vous
n'aurez pas le choix.
Sachant que votre marge
de négociation est relativement
confortable vu la situation.
AL.
- Facile de faire baisser
les prix, donc ?
M.P.
- Il est forcément
plus facile de faire
baisser les prix dans
ce contexte. Suivant
les régions, la situation,
les caractéristiques
propres à chaque bien,
la concurrence existante,
etc, les prix peuvent
être révisés à la baisse
de façon plutôt prometteuse.
Mais
si par contre, il n'est
pas urgent pour vous
d'investir actuellement,
je précise bien "actuellement",
je préconiserais plutôt
d'attendre.
AL.
- D'attendre quoi
?
M.P.
- D'attendre que la
situation s'éclaircisse.
Ainsi
il y a de nombreux facteurs
qui peuvent intervenir
et générer des baisses
des prix, qui selon
le cas, peuvent être
conséquentes.
A.L.
- Lesquels ?
M.P.
- De très nombreux.
On
pourrait ainsi parler
de ce qu'on vient d'aborder
: L'obligation de vendre,
voir l'urgence de vendre,
ce qui pourrait entraîner
une forte baisse des
prix.
A.L.
- De quel ordre ?
M.P.
- Tout est possible.
Souvenez-vous
des affaires colossales
qu'il a été possible
de réaliser en France
lors des 20, 15 et même
10 dernières années,
lorsque par exemple
l'UAP a fusionné avec
Axa et s'est débarrassé
de son portefeuille
immobilier. Cela a engendré
des milliers de biens
immobiliers vendus en
France à des prix allant
de
-30, jusqu'à -60 % de
leur valeur.
Il
en a été de même avec
des sociétés immobilières,
telles Gecina, un
des plus grands acteurs
européens et même mondiaux
de l'immobilier, qui
pour des raisons diverses
liées à leur stratégie,
se sont également "débarrassées"
d'une partie de leur
patrimoine immobilier
à des prix proches là
aussi, de la moitié
de leur valeur théorique
sur le marché.
En
d'autres termes, rien
n'est impossible, et
même si ça peut sembler
incroyable, dans l'immobilier
le Père Noel existe
bel et bien. Il suffit
d'être à l'affût et
de bien avoir toujours
sa chaussure au pied
de la cheminée :)
A.L.
Vous voulez donc dire
que le Père Noel va
passer au Portugal ?
M.P.
- C'est assez probable.
A.L.
D'après vous, il faut
donc investir dans l'immobilier
au Portugal ?
M.P.
- D'une manière générale,
oui, car le Portugal
est un pays où l'on
peut encore réaliser
des affaires dans ce
domaine, et où on ne
court pas de risques
à acheter de l'immobilier,
au contraire. Ceci bien
sûr, si on achète
aux "véritables"
prix.
A titre d'exemple,
alors que Paris est
devenu inaccessible
au "commun des
mortels", Lisbonne (ainsi
que sa
région proche), demeure une capitale
complètement accessible
à l'investissement immobilier.
On peut y réaliser des
opérations qui seraient
inimaginables à Paris,
et l'avenir est encore
plus prometteur.
De manière générale partout
au Portugal, le rapport
qualité/prix de l'immobilier
est excellent, et va probablement
le devenir de plus en
plus dans les mois à
venir, ou les 2 ou 3
prochaines années,
suivant la façon dont
l'économie portugaise
se comportera.
A.L.
Donc, il faut se ruer
?
M.P.
- Je n'ai pas
dit ça. Tout dépend
de votre profil et de
vos intentions. Si vous
êtes obligé d'investir
actuellement, vous n'avez
pas le choix.
Si
par contre vous avez
le choix, il est bon
d'analyser la situation
à tête reposée.
A.L.
Que peut-on attendre
précisément ?
M.P.
- Commençons déjà par
analyser le marché immobilier
portugais actuel, sa
réalité et ses perspectives.
-
Le marché immobilier
portugais domestique (non
détenu pas des banques
mais par des propriétaires
privés), a tendance
a ronronner depuis le
début de la crise. L'offre
dépasse largement la
demande, ce qui rend
le marché morose. Cette
morosité a d'autant
plus été accentuée par
la frilosité des banques
à prêter dans ces 4
ou 5 dernières années,
ce qui a restreint la
quantité d'acheteurs.
-
L'immobilier détenu
par les banques :
Des
banques portugaises
devront très bientôt
se défaire des activités
parallèles qui pénalisent
leurs bilans. Elles
devront assumer de lourdes
pertes réalisées, suite
à des mauvais choix
ou à des erreurs
de gestion ou des risques
inadéquats. Ainsi, et
ce n'est qu'un exemple
parmi d'autres, la CGD
vient de
considérer comme potentiellement
perdus, 50 millions
d'euros faisant
partie d'un investissement
une perte potentielle
de 50 Millions d'euros
relatifs à des investissements
réalisés à l'étranger
dans le secteur de la
construction d'autoroutes.
La
même CGD s'est également
déjà débarrassé de ses
investissements dans
le secteur de l'assurance
santé, qu'elle a récemment
revendus. Du fait de
leurs difficultés, les
banques portugaises,
comme d'ailleurs toutes
celles faisant partie
de l'UE, devront impérativement
nettoyer leurs bilans,
se défaire des actifs
toxiques, redéfinir leur
stratégie, et se
consacrer à des secteurs
correspondant davantage
à leur métier ou à leur
savoir-faire.
De
toute façon le contexte
incertain dans lequel
elles se trouvent ne
leur donne pas trop
le choix.
Suite
de l'interview
26 Oct 2012 © portugalmania.com |